Blocage des pubs : Free pète un câble !

Blocage des pubs : Free pète un câble !
Numerama
par Guillaume Champeau - publié le Jeudi 03 Janvier 2013

Mais quelle mouche a piqué Free ?! Le FAI a décidé sans prévenir personne de bloquer les publicités affichées sur les sites internet visités par ses abonnés, en activant par défaut un bloqueur de pubs géré depuis sa Freebox. Un service qui a l'air sympathique mais qui coûtera des millions et des millions d'euros à des milliers d'entreprises, et qui menace leur survie.

Free est totalement irresponsable et menace de porter un coup violent à tout un pan de l’économie numérique ! Sans parler des risques juridiques qu’il prend pour lui-même. Le fournisseur d’accès à internet a mis à jour son boîtier Free Server de la Freebox Revolution, qui active par défaut une option de blocage de la publicité. L’option a pour effet, désastreux, de bloquer “l’ensemble des publicités sur l’ensemble des périphériques connectés à la box en wifi ou ethernet”, indique FreeNews, qui conseille à ses lecteurs de désactiver l’option.

Le blocage semble opéré en fonction de l’adresse du serveur qui délivre la publicité. Selon que le serveur est reconnu ou non comme serveur publicitaire, la publicité s’affiche ou ne s’affiche pas. Google Adsense, NetAvenir, AdTech et d’autres distributeurs de publicités en ligne sont concernés. La liste ne fera que s’étendre.

“Bien que l’option soit plaisante à première vue, nous pensons que le choix de Free est dangereux et irresponsable”, indiquent nos confrères, dont nous rejoignons évidemment le jugement. Sans la publicité, Numerama n’existerait pas. C’est ainsi. On peut le regretter, mais c’est ainsi. Et c’est le cas d’énormément de sites internet qui ne vivent que par la publicité, ou en grande partie.

Imaginerait-t-on Free inventer un système qui coupe la publicité sur les flux TV qu’il diffuse ? C’est pourtant exactement ce qu’il vient de faire contre les sites internet, dont il menace la survie financière.

L’option est activée par défaut, et l’utilisateur ne peut pas faire d’exception. Même si vous aimez et voulez soutenir Numerama, vous ne pouvez pas choisir d’épargner votre site préféré. Il n’y a pas de whitelist.

Du jamais vu. Même en Chine.


Free et la publicité bloquée : un problème démocratique

Guillaume Champeau - publié le Jeudi 03 Janvier 2013

En désactivant par défaut la publicité affichée sur les sites internet, Free démontre le pouvoir que peuvent avoir les FAI sur le contenu des sites internet, et le risque démocratique qu'ils représentent.

Il y a plusieurs façons de regarder la décision de Free de bloquer par défaut les publicités affichées sur Internet. La première, comme a été notre première réaction, est de pointer du doigt l’irresponsabilité économique de Free, qui pénalise des milliers de sites internet qui ne vivent que (ou en grande partie) grâce à la publicité. C’est le cas de Numerama, qui est donc juge et partie dans cette affaire.

La réponse à ce problème est à la fois simple et très complexe. Les sites concernés peuvent se lancer dans un jeu du chat et de la souris avec Free pour tenter d’échapper au filtrage, ou changer de modèle économique. Ce qui n’est pas sans conséquence. Même si Numerama devenait payant, et même à considérer que nous rassemblions suffisamment d’abonnés pour être rentables, il ne faut pas oublier que la publicité a l’avantage d’offrir un accès gratuit à tous. A ceux qui peuvent se permettre un abonnement payant comme aux autres. Et que par ailleurs, les internautes ne pourront pas multiplier les abonnements à différents sites. La gratuité d’accès ne peut être obtenue que par deux biais : la publicité, ou une forme de licence globale.

Mais dépassons ce seul problème économique. Il faut regarder la décision de Free comme un précédent démocratique incroyablement dangereux. D’où notre conclusion incomprise sur l’article précédent : “Du jamais vu. Même en Chine”.

Free montre le pouvoir extraordinaire des fournisseurs d’accès à internet sur l’information, qui peuvent décider d’altérer le contenu d’un site internet. Il a décidé de bloquer la publicité en ligne (par DNS, ce qui représente un risque de surblocage), mais il pourra décider demain de bloquer l’accès aux sites pornographiques, aux sites qui proposent des jeux vidéo violents, aux sites “terroristes”, aux sites e-commerce étrangers qui ne respecteraient pas la législation française, aux sites qu’il considère diffamatoire, etc., Il pourra non seulement bloquer ces sites, mais aussi modifier ou bloquer une partie de leur contenu, sans que l’internaute le sache.

Par ailleurs la liste des sites ou serveurs filtrés est gérée de façon discrétionnaire par le FAI, et le FAI sait (ou peut savoir) qui choisit de désactiver le filtrage, ce qui en fait un suspect par défaut.

La décision de Free montre à quel point la nécessité d’une régulation stricte des fournisseurs d’accès est primordiale, pour faire respecter la neutralité du réseau et rejeter toute intrusion du FAI dans le contenu affiché. En cela, Free rend un grand service à Internet, à condition que les pouvoirs publics prennent toute l’ampleur du problème.

Enfin, il est faux de comparer le filtrage imposé par défaut par Free au plugin AdBlock. Ce dernier est choisi par l’internaute, ne s’applique que sur l’appareil où il est installé, et peut être configuré pour épargner tel ou tel site, ou telle régie publicitaire. L’internaute reste maître de son filtrage. Là, Free a décidé sans prévenir personne d’activer par défaut un filtrage qui n’est en rien paramétrable. Des millions d’abonnés seront concernés, et seule une toute petite poignée saura qu’il est possible de désactiver le filtrage.

Espérons que Free saura revenir à la raison. Et rapidement.

Publicités bloquées : Fleur Pellerin recevra Free et les éditeurs web

Guillaume Champeau - publié le Jeudi 03 Janvier 2013

La ministre de l'économie numérique Fleur Pellerin va recevoir très prochainement Free et les éditeurs de sites internet pour arbitrer le conflit né de la décision de Free de bloquer par défaut les publicités affichées sur Internet. Elle demande que l'option soit désactivée par défaut.

Selon nos informations, la ministre de l’économie numérique Fleur Pellerin devrait recevoir lundi ou dans les tous prochains jours des représentants de Free ainsi que des professionnels de la publicité en ligne (régies, éditeurs de sites internet), suite à la décision de Free de bloquer par défaut les publicités affichées sur les sites internet visités par ses abonnés. La liste des invités à la table ronde sera fixée vendredi matin.

Sur Twitter, la ministre a précisé qu’elle était “peu fan de la publicité intrusive”, mais “favorable à une solution du type no opt-out par défaut”. C’est-à-dire qu’elle ne s’oppose pas à ce que Free propose une solution de blocage de la publicité intégrée à la Freebox, mais qu’elle demande en revanche que l’option soit activée par l’internaute et non par l’opérateur :

<blockquote>@fleurpellerin
Peu fan de la pub intrusive, mais favorable à une solution du type no opt out par défaut. A discuter avec les éditeurs et Free #FreeAdGate
3 Janv 13</blockquote>

Reste que même en cas de désactivation par défaut, le procédé mis en oeuvre posera tout de même questions : sur quels critères la liste des régies publicitaires bloquées doit-elle être gérée ? L’internaute ne doit-il pas pouvoir “whitelister” les sites dont il veut soutenir l’existence en acceptant d’y recevoir des publicités ? Ne faut-il pas prévenir l’internaute que le contenu de la page visitée a été visitée ? etc., etc.

Pour le moment, Free fait la sourde oreille aux demandes d’explication. Mais l’intervention rapide du Gouvernement devrait l’obliger, soit à apporter des explications sérieuses, soit plus certainement à désactiver l’option. Dans ce dernier cas, l’opérateur aura réussi un coup de communication sans précédent, et surtout une provocation destinée à montrer aux éditeurs de sites internet qu’ils étaient davantage dépendants du réseau que l’inverse. Un rappel adressé au moment où les discussions sur le financement de l’interconnexion se tendent.

Efficace ce filtre anti-pub
J’ai fait la mise à jour de ma freebox et j’ai pu vérifier sur facebook qu’il était plus performant que Adblock de Firefox ou Chrome
Comme le pointent les articles de Numerama il est inquiétant que cette nouvelle fonctionnalité soit mise en place sans information de la part de Free à ses abonnés
Il est à craindre que le client des FAI ne soit pris en tenaille entre ses fournisseurs et les éditeurs de web
Free nous avait habitué à ce genre de démarches autoritaires comme blacklister des serveurs de mail puis dernièrement à nous réduire l’accès à Youtube pour cause de conflit avec Google.
Jusqu’où iront-ils ?

Free porte-t-il atteinte à la neutralité du Net en filtrant la publicité ?
Par Benjamin Bayart le jeudi 03 janvier 2013, 23:42

Ces jours-ci se profile la table ronde tant attendue autour du cabinet de Fleur Pellerin sur la neutralité des réseaux[1]. C'est donc avec un certain bonheur que je vois refleurir dans l'actualité certains éléments clefs de la discussion: une excellente occasion de réviser les dossiers.

Le premier dossier est celui de la tribune de Najat Vallaud-Belkacem dans le Monde du 28 décembre. Le billet en réponse sera publié par PCinpact demain matin.

Le second dossier nous est apporté par Free qui vient de mettre en place, sur son Frinitel[2] v6, dit “Révolution”, un filtre anti-pub. Beaucoup de commentateurs semblent juger que c’est une atteinte à la neutralité des réseaux. Voyons ça…

Notes

[1] D’abord annoncée en décembre, puis reportée à mi-janvier.

[2] Le mot n’est pas de moi, il est du vice-président de FDN, Arnaud Luquin. Depuis la conférence Internet libre ou Minitel 2.0, il dit Frinitel quand il parle de sa Freebox. J’aime assez le mot, c’est un joli résumé.

Ce que fait Free

Pour le coup, je ne suis pas abonné chez Free, donc, je ne peux que rapporter les racontars lus dans la presse.

Lors d’une mise à jour logicielle de la FreeBoîte version 6 est apparue une nouvelle fonctionnalité, le filtrage de la publicité. Cette fonctionnalité est activée par défaut. Elle a pour effet d’empêcher tout navigateur web qui se trouve derrière d’accéder à certains contenus publicitaires. La fonctionnalité peut être désactivé par l’utilisateur sans procédure particulière, d’un simple clic, et cette désactivation est prise en compte relativement rapidement.

Le comportement du filtre semble encore assez énigmatique. Visiblement, il est assez invasif pour être capable de supprimer les vidéos publicitaires sur YouTube, mais incapable de le faire sur DailyMotion. Mon habituel AdBlock[1] n’a pas des comportements aussi étranges.

Le fait que ce soit arrivé avec une livraison logicielle du Frinitel laisse penser que c’est le boîtier qui fait le filtrage. Ce n’est pas complètement évident, il se peut aussi que le boîtier commande une fonctionnalité du coeur de réseau, mais c’est peu probable[2].

Est-ce une atteinte à la neutralité des réseaux ?

La question me semble simple, mais il se trouve que presque tout ce que j’ai lu sur le sujet depuis 4 heures s’oppose à ce que je considère comme une réponse évidente. Alors un peu de prudence.

Pour moi, il est évident que non, ce n’est pas une atteinte à la neutralité des réseaux. D’abord parce que le filtrage n’est pas fait par le réseau, mais par un équipement de périphérie. Les abonnés qui utilisent leur propre modem ADSL, en lieu et place du Frinitel officiel, ou ceux qui utilisent tout simplement une version plus ancienne, ne sont pas touchés. Ergo, ce n’est pas le réseau qui filtre.

Est-ce une atteinte à la neutralité des intermédiaires techniques, que j’appelle de mes voeux ? Oui, très clairement. Les abonnés qui ont fait le choix d’utiliser le Frinitel sont touchés, et changer de boîtier n’est pas une mince affaire: il faut re-configurer tout le réseau de la maison, il faut avoir un modem sous la main, etc. Cette atteinte est-elle acceptable ? Si je reprend la définition assez stricte que je donnais en conférence en juin, oui, c’est acceptable, parce que c’est sous contrôle de l’utilisateur.

Plusieurs points posent problème cependant. La mesure semble viser Google principalement, et semble donc destinée à nuire à Google plutôt qu’à satisfaire le consommateur. Elle est activée par défaut, alors qu’une mesure de filtrage ne devrait pas l’être. Personne ne sait exactement ce que ça fait, alors qu’une telle mesure devrait être clairement documentée[3]. Mais, à strictement parler, je ne pense pas que ce soit une atteinte à la neutralité des réseaux.

Est-ce que c’est légal ?

S’il est prouvé que la mesure a pour objectif de nuire à une entreprise précise, ça ne l’est probablement pas, parce que c’est une entrave à la concurrence libre et non-faussée[4].

Même si ce n’est pas le cas, c’est de toutes façons exercer une pression très forte sur de très nombreux marchés annexes. Beaucoup de sites web vivent de la publicité. Par exemple des pans entiers de la presse en ligne, ou des services prétendument gratuits, etc. Free représente un gros morceau du marché de la fourniture d’accès à Internet. Je ne suis pas certain que l’entreprise ait le droit d’utiliser son poids pour écraser ces entreprises en faisant disparaître artificiellement leur clientèle.

Est-ce que c’est bien ?

Ça, c’est une question beaucoup plus délicate, parce que c’est une question de morale, et que chacun à la sienne propre. Parce que ce n’est pas fait pour servir Dieu et la Patrie, ça pourrait être jugé oiseux, donc mal, par exemple.

Pour ma part, je considère toujours que quand c’est gratuit c’est que je suis la marchandise. C’est pourquoi j’ai tendance à éviter les services prétendument gratuits sur le Web. Et j’ai toujours trouvé la publicité en ligne beaucoup trop invasive (encombrante, bruyante, etc), c’est pourquoi j’installe toujours AdBlock. Du coup, si j’étais abonné chez Free, je trouverais sans doute le service agréable, et l’activerais probablement.

Reste que de sortir ça sans l’annoncer, dans un contexte tendu voire belliqueux entre Free et Google, sans expliquer ce que ça fait, et en l’activant par défaut, c’est une méthode de voyou. Ce n’est pas nouveau, ils sont coutumiers du fait. Si c’est fait pour faire plier Google dans une négociation en cours sur le financement des interconnexions privées, c’est tout simplement du racket.

Maintenant, il y a beaucoup de choses sur le réseau qui sont mal, et qui ne sont pas des atteintes à la neutralité des réseaux.

Notes

[1] AdBlock est une extension de Firefox bien connue, que tout le monde devrait installer, et qui rend le web bien plus navigable.

[2] On me murmure qu’on en sait plus sur le fonctionnement: filtrage des noms de domaines des régies publicitaires, et renvoie vers un serveur web particulier chez Free qui sert des pages blanches au lieu des publicités.

[3] Voir à ce sujet les passages du Paquet Télécom qui obligent les opérateurs à la transparence sur les mesures de filtrage.

[4] Ça a certainement un nom, en droit de la concurrence, le fait d’utiliser une position acquise sur un marché pour déstabiliser un autre marché, directement ou indirectement lié.

J’ai été obligé de désactiver ce filtre anti-pub pour communiquer avec Skype

[left]Certains trouveront que ce filtre est formidable

[/left]

Les secrets bien gardés de Xavier Niel
Médiapart
06 janvier 2013 | Par Laurent Mauduit et Dan Israel

De tous les grands patrons français, Xavier Niel est sûrement celui dont l’ascension ces dernières années a été la plus spectaculaire, mais aussi l’un de ceux qui se montrent le plus secrets. De son exceptionnelle réussite, qui a fait de lui en quelques années le principal actionnaire de Free (deuxième fournisseur d’accès à internet – FAI – en France) et l’heureux détenteur de la quatrième licence de téléphonie mobile, mais aussi l’un des principaux actionnaires du [i]Monde[/i], on ne sait rien. Ou du moins, on ne sait pas grand-chose, car l’intéressé ne se montre guère et évite soigneusement micros et caméras. Même lorsque Free, son entreprise phare, est à la manœuvre. Depuis jeudi 3 janvier, le FAI a décidé de bloquer par défaut la publicité s'affichant sur les pages internet des utilisateurs de sa Freebox Revolution. Un coup de force lancé sans préavis et sans aucune explication, résumant assez bien les méthodes de l'entreprise, mais surtout celles de son fondateur : Niel entretient depuis toujours le mystère sur ses choix stratégiques. Alors qu’il n’était encore, à la fin des années 1980, qu’un parfait inconnu, sans diplôme et sans le sou, bricolant dans d’obscures sociétés, spécialisées pour certaines d’entre elles dans le minitel rose ou dans la gérance de sex-shops, il s’est hissé en quelques années dans le gotha de la vie parisienne des affaires. Construisant en une vitesse éclair un géant français des nouvelles technologies de l’information et de la communication, il reste d’une totale discrétion. On sait juste qu’il est devenu en moins de deux décennies la 12[sup]e[/sup] fortune française [url=http://www.challenges.fr/classements/fortune/fiche/xavier-niel-et-sa-famille;1337.html][b]selon le dernier classement de [i]Challenges[/i][/b][/url] avec 3,6 milliards d’euros de patrimoine et même 4,5 milliards de dollars [url=http://www.forbes.com/profile/xavier-niel/][b]selon le magazine [i]Forbes[/i][/b][/url], ou encore qu’il possède le golf très chic de Lys-Chantilly à Lamorlay, dans l'Oise, qui comprend une bonne centaine d’hectares. Mais de son parcours professionnel, il n’aime pas parler. Vieux principe de la vie des affaires, pensera-t-on, pour vivre heureux, vivons caché ! Mais avec Xavier Niel, le goût du secret est beaucoup plus profond que cela : c’est comme s’il voulait, à toute force, que l’on oublie les premiers épisodes de sa vie professionnelle. Il n’empêche ! Xavier Niel n’ignore pas que ce choix du silence peut aussi être la meilleure des stratégies de communication. Car c’est cette discrétion qui a aussi contribué à alimenter le bruit de la ville autour de lui, à forger ce qui apparaît comme une formidable « success story ». Et se taire est en effet une méthode efficace. Voilà donc la légende qui circule autour de Xavier Niel, celle qui lui fait sans doute le plus plaisir : son groupe est d’une certaine façon l’équivalent français des géants américains de l’Internet. Et aussi discret qu’il soit, il est lui-même le prototype du grand patron moderne, celui qui fait la synthèse entre la vieille et la nouvelle économie. Formidable légende : avec ses amis, c’est lui qui aura sauvé [i]Le Monde[/i] et contribué à la sauvegarde de la liberté de la presse. Un mécène, en quelque sorte ; un mécène comme il en existe quelques-uns aux États-Unis mais si peu en France. Une sorte de Steve Jobs, un véritable entrepreneur, qui a bâti un tout nouveau et gigantesque empire industriel à partir de rien. Mieux que cela ! Il aime à dire de lui-même qu’il a redonné du pouvoir d’achat aux Français en cassant les prix dans son secteur économique et en mettant en cause les situations scandaleuses de monopole ou de rente dont ses concurrents profitaient auparavant. En bref, il serait la figure de proue d’un « capitalisme cool », d’un capitalisme bon enfant et somme toute assez généreux… Dernière manifestation de ce pari : quand, sans s'en expliquer, Free a décidé il y a quelques jours de bloquer par défaut la publicité sur internet pour les utilisateurs de la dernière génération de ses Freebox, sans doute l'entrepreneur comptait-il sur son image de bon Samaritain pour les consommateurs. Qui pourrait bien lui en vouloir de faire disparaître ces bandeaux de pub disgracieux pour une bonne partie de ses clients ? Mais le stratège n'avait certainement pas anticipé la levée de boucliers déclenchée par ce choix de Free. Bien sûr, nombre de journalistes, travaillant pour des organes financés par la pub, n'ont pas apprécié de voir leur modèle économique menacé. Mais d'autres, [url=http://www.spiil.org/20130104/blocage-defaut-publicites-spiil-rappelle-attachement-intangible-a-neutralite-net]comme le Spiil[/url], le syndicat des sites d'info indépendants (dont Mediapart est membre fondateur), ont aussi pointé une attaque contre la neutralité du net:[i] « Aucun FAI n'a le droit de décider à la place des citoyens ce à quoi ils ont ou non accès sur Internet. Sinon c'est la porte ouverte à des censures éditoriales, commerciales, économiques, politiques, idéologiques, communautaires, nationales, religieuses, etc. » [/i]L'autorité de régulation des télécoms, l'Arcep, a envoyé un courrier à l'entreprise pour réclamer des explications, et la ministre de l'économie numérique, Fleur Pellerin, a convoqué un de ses patrons lundi 7 janvier pour lui demander des comptes. Free [url=http://www.zdnet.fr/actualites/blocage-de-la-pub-free-va-faire-machine-arriere-39785901.htm]a fini par laisser entendre[/url] qu'il allait remettre les choses en ordre. Peu importe, au fond. Comme il l'affectionne, Niel a réussi à créer une tempête sans dire un mot. Il a aussi (surtout ?) démontré sa force de frappe, notamment contre Google. Il est en effet [url=http://www.lefigaro.fr/hightech/2013/01/04/01007-20130104ARTFIG00602-blocage-de-la-pubfree-veut-faire-plier-google.php]engagé dans un bras de fer[/url] avec la première régie pub du net, pour lui faire payer l'utilisation de son réseau, et notamment lorsque les internautes visionnent les vidéos de Youtube, grosses consommatrices de la bande passante fournie par Free. Des négociations entre entreprises qui sont loin de la légende qu'aime élaborer Free à destination de ses clients.« Le sentiment d’avoir fait des bêtises » La légende : sans doute est-ce effectivement le bon terme. Car cette image que Xavier Niel aime que l’on propage de lui-même n’est pas exactement conforme à son véritable parcours, aux obstacles qu’il a dû franchir avant de connaître le succès, aux batailles complexes qu’il a menées, aux milieux qu’il a fréquentés qui n’ont pas toujours été ceux, policés, du CAC 40, jusqu’aux ennuis judiciaires en cascade qu’il a connus et qui lui ont valu plusieurs condamnations, et même une période de détention provisoire. Devenu l’un des grands patrons français, Xavier Niel n’aime pas que l’on exhume son passé, sa véritable trajectoire, ses succès, mais aussi, si l’on peut dire, le côté obscur de la force. Car, très vite, il a été adoubé par le milieu auquel il a accédé. Les Pinault sont devenus ses amis. Et plus encore les Arnault. Et beaucoup d’autres encore. Épousant les rites de ces milieux d’affaires richissimes, jusqu’à élire domicile Villa Montmorency, le lieu le plus huppé du XVI[sup]e[/sup] arrondissement de Paris qui abrite aussi Vincent Bolloré, Arnaud Lagardère, Dominique Desseigne et quelques autres grands noms du capitalisme parisien, il est visiblement en quête de respectabilité. Sans doute est-ce d’ailleurs la clef d’explication de ses investissements dans la presse (lire notre Boîte noire), et tout particulièrement dans [i]Le Monde [/i]: co-propriétaire de ce journal, le voici qui accède d’un seul coup à un univers d’apparente respectabilité, qui lui fait caresser l’espoir d’effacer celui dans lequel il a d’abord évolué. Après la jungle de la rue Saint-Denis, le voilà à deux doigts d’accéder à celle du CAC 40. Patron atypique, Xavier Niel n’aime donc guère que l’on dresse son portrait. Son véritable portrait. Et il apprécie encore moins que la presse enquête sur lui, sur son parcours en même temps que sur la manière qu’il a de conduire ses affaires. Ou alors, il le supporte, mais à la condition que le récit s’accorde en tous points avec la légende officielle : oui, Xavier Niel a eu une jeunesse mouvementée, mais ni plus ni moins que beaucoup d’autres de sa génération ; et puis surtout, avec le recul, c’est d’autant plus insignifiant qu’il a fini par construire un formidable empire. C’est en substance [url=http://www.liberation.fr/grand-angle/0101460850-3615-millionnaires][b]ce qu’un jour [i]Libération[/i] a écrit[/b][/url] ; c’était le 12 novembre 2003, dans un portrait collectif de toute la génération d’entrepreneurs qui a fait fortune grâce au minitel rose : [i]« Xavier Niel, le petit dernier, fut aussi le plus précoce. À 16 ans, en 1983, il crée avec ses potes, à Créteil, des petits sites minitel perso en bricolant depuis son Apple. En prépa, il fait double journée : en cours, le jour, et sur son ordi la nuit. Ses “à-côtés” lui rapportent, dit-il, “plusieurs dizaines de milliers de francs par mois”... Il lâche la prépa pour le 3615 et le rose. Ses manières de cow-boy lui valent quelques citations au pénal. Louis Roncin [/i](le fondateur de 3615 Cum, d Ulla…)[i] l'assigne pour “racolage” : “Il venait sur mes sites, caché sous un pseudo, et il débauchait mes clients en les invitant à venir sur ses sites à lui.” Il est condamné. Le ton monte. Xavier Niel, dans sa lutte avec le “père”, lui rappelle dans une missive, son sobriquet de l'époque : “le petit cochon rose”. Xavier Niel peut savourer aujourd'hui la reconnaissance de ses pairs : “Certes, au début, c'était carrément un brigand de première catégorie... dixit Thierry Ehrmann [/i](un autre fondateur de sites polissons)[i]. Mais ce qu'il est en train de bâtir en ce moment [/i](avec l'opérateur Telecom Free),[i] “chapeau”, d'autant qu'il traîne toujours la tache du péché originel[/i].[i] »[/i] De cette version-là, qui se termine en un hommage – « [i]chapeau ! »[/i], Xavier Niel peut donc s’accommoder. D’autant qu’il a, lui-même, bien pris soin, une fois ou deux, de faire amende honorable sur son passé. Sans rien dévoiler, mais en admettant qu’il avait aujourd’hui des regrets. Ce fut le cas par exemple à l’occasion d’un reportage que lui consacre France-2 et que la chaîne diffuse le 21 septembre 2011, dans son journal de 20 heures : Là encore, Xavier Niel est donc présenté sous les traits d’un patron formidablement chaleureux, tout à la fois [i]« rebelle et rigolard[/i] [i]»[/i]. Et il fait à cette occasion acte de contrition, assurant qu’il n’a gardé de ce passé tourmenté [i]«[/i] [i]que des regrets[/i] [i]»[/i], [i]«[/i] [i]le sentiment d’avoir fait des bêtises, le sentiment d’avoir été jeune ; un sentiment de super-puissance[/i] [i]»[/i].Deux ans d’emprisonnement avec sursis Et dans ces formulations-là, il y a un sous-entendu : que celui qui n’a pas fait de bêtises dans sa jeunesse lui jette la pierre ! Mieux vaut assurément un chef d’entreprise décontracté et chaleureux comme lui, et même qui a bourlingué, plutôt que l’un de ces grands patrons austères et ennuyeux qui peuplent le CAC 40. Et pourtant, il y a sans doute une part de posture dans ce portrait que Xavier Niel aime que l’on dresse de lui. Car les temps dont il n’aime plus parler et pour lesquels il n’exprime [i]«[/i] [i]que des regrets[/i] [i]»[/i] ne sont pas si éloignés que cela : âgé aujourd’hui de 45 ans, il en avait à peine six de moins seulement quand le tribunal de grande instance de Paris l’a condamné, le 27 octobre 2006, à une peine de deux d’emprisonnement avec sursis et à une amende de 250 000 euros pour des faits de [i]« recel de biens » [/i]– jugement contre lequel il a fait appel avant de se désister[i].[/i] Et puis surtout, pour comprendre l’origine de son immense fortune, c’est dans cette époque qu’il faut replonger. Cette enquête est donc utile, pour de nombreuses raisons, et Mediapart a décidé de l’entreprendre. D’abord, parce que les conditions de l’ascension de Xavier Niel, dont de nombreux aspects pour le moins tourmentés, sont méconnues et en disent long sur le fonctionnement du capitalisme français. Ensuite parce que la société Free, que Xavier Niel contrôle au travers de sa holding Iliad, est effectivement devenue un acteur majeur de la nouvelle économie, et que son fondateur est maintenant une puissance financière considérable. Enfin, parce qu’il est donc devenu un patron de presse et qu’il est donc important de comprendre quelles sont ces ambitions. Or, s’il y a eu dans le passé dans la presse des enquêtes sur Xavier Niel, il reste à l’évidence des secrets qui n’ont pas encore été percés. Les journalistes qui s’y sont risqués ont souvent récolté bien des ennuis. Et même parfois des procès. Car de tous les grands patrons français, Xavier Niel est celui qui porte le plus souvent plainte en diffamation contre des journalistes. Le quotidien [i]Libération[/i], pour ne citer que cet exemple, a été attaqué en justice à six reprises par Xavier Niel ou par Free, sans que jamais l’une de ces procédures ne débouche sur une condamnation. Un autre journaliste, Gilles Sengès, un ancien des [i]Échos[/i], vient de publier en octobre une biographie de grande qualité sur le patron, intitulée [i]Xavier Niel, l’homme Free[/i] (Editions Michel de Maule, 208 pages, 20 euros), qui lève le voile sur de nombreuses péripéties de la vie professionnelle du patron de Free, qui n’étaient pas encore connues. Mais malgré ces travaux, de nombreux épisodes de la trajectoire de Xavier Niel restent encore entourés de ce halo de secret que l’intéressé affectionne. Et de nombreuses pièces, notamment judiciaires, n’avaient pas encore été révélées. C’est donc ce travail que nous avons entrepris. En bref, pour discret qu’il soit, Xavier Niel s’est installé au cœur de la vie économique mais aussi au cœur de la vie médiatique française. Il importe donc de savoir précisément qui il est. C’est l’objet de cette longue enquête que Mediapart a réalisée. Elle comprend au total six volets écrits par Martine Orange et les deux auteurs de ces lignes – enquêtes que nous mettrons en ligne les unes après les autres au cours de ces prochains jours.

Les secrets de Xavier Niel (2). L’autobiographie faite devant le juge
Médiapart 08 janvier 2013 | Par Laurent Mauduit
http://rene.bantegnie.fr/LQ/article_266862.pdf
Là on apprend comment Niel, « Le roi du porno » comme le surnommait le Canard Enchainé, commence sa fortune qui aboutira le 27 octobre 2006 par une condamnation à une peine de deux ans d’emprisonnement avec sursis et à une amende de 250 000 euros pour des faits de « recel de bien provenant d’un délit puni d’une peine ’excédant pas cinq ans d’emprisonnement »

Les secrets de Xavier Niel (3). Le jour où le patron de Free a fait fortune
Médiapart le 11 janvier 2013 par PAR LAURENT MAUDUIT
http://rene.bantegnie.fr/LQ/article_268254.pdf
Cette fois on apprend comment Niel en 2002 a grugé ses amis de vingt ans en leur rachetant leurs actions Iliadpour ensuite distribuer 4 millions d’euros de dividendes pour la première fois en seize ans d’existence de Iliad. Ce rachat est calculer sur la base de la valeur d’Iliad à 32 millions d’euros qui sera introduit en bourse sur la base d’une valorisation de 800 millions d’euros, 2 ans plus tard…

Les secrets de Xavier Niel (4). Le pirate qui sait écumer le net
Médiapart le 13 janvier 2013 PAR MARTINE ORANGE
http://rene.bantegnie.fr/LQ/article_268834.pdf
Pour terminer le portrait de Neil voici le quatrième volet où on nous montre comment l’Iliad peut s’appuyer sur les infrastructures existantes payées en partie par les autres.

Ces pratiques n’ont rien d’exceptionnelles mais mises en parallèle avec la création par la Région Bretagne d’un réseau régional d’infrastructures en fibre optique qui permettra à tous les Bretons de se raccorder partout à l’Internet à très haut débit d’ici 2030, je m’interroge sur la pertinence de cet investissement d’environ de 500 millions d’euros sur 5 ans. Servira-t-il comme il est dit à améliorer l’attractivité de la Bretagne et la création de nouvelles activités ou plus simplement à éviter à des gens comme Niel de pas faire ces investissements et d’être encore plus riche.
Dans quinze ans, tous les Bretons auront payés pour la VoD même ceux que ça n’intéressent pas
http://www.degroupnews.com/actualite/n8156-fibre_optique-deploiement-tres_haut_debit-orange-bretagne.html