Facebook, Google. J’ai téléchargé mes données et c’est bluffant

Par Vincent Lastennet du Télégramme
http://www.letelegramme.fr/soir/facebook-google-j-ai-telecharge-mes-donnees-et-c-est-bluffant-24-05-2018-11969753.php

Facebook, Google. J’ai téléchargé mes données et c’est bluffant Localisation, liste d’amis, commentaires, photos… Facebook et Google archivent un nombre incroyable d’informations sur chacun d’entre nous. Voyage vertigineux dans le monde des données personnelles à travers un exemple concret : le mien. Plus de sept Français sur dix considèrent qu’aujourd’hui la confidentialité de leurs données personnelles sur Internet n’est pas correctement assurée. Mais de quoi parle-t-on ? De nos noms, prénoms, dates de naissance ? De nos photos, de nos commentaires, ou de plus que ça ? Impossible d’apporter une réponse globale à cette question. Chacun d’entre nous, de par ses usages, laisse des traces différentes sur le "world wide web".
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Facebook. Comment mieux protéger vos données personnelles ?
Pour être concret, j’ai donc décidé de télécharger mes données personnelles sur Facebook et Google et de vous les commenter. Impudique ? Peut-être. Mais après tout, les géants du net y ont accès, une flopée d’annonceurs aussi alors pourquoi pas les lecteurs du Télégramme ! Commençons par Facebook. Le réseau social américain est dans la tourmente depuis l’affaire « Cambridge Analytica ». Geste de transparence suite au scandale ? Il est désormais possible de télécharger l’ensemble des données personnelles de votre compte Facebook à condition de disposer d’une certaine agilité numérique. Il faut bien cinq ou six clics et une attention particulière pour arriver à la page de téléchargement. Ensuite, vous récupérez une archive qu’il faut décompresser avant de découvrir une dizaine de dossiers contenant des informations vous concernant : « à propos de moi », « amis », « j’aime », « commentaires », « photos », « vidéos »… Toutes les informations que vous avez saisies ou chargées sur le réseau social vous sautent aux yeux !

Un mini-roman social
J’ai personnellement créé mon compte en 2009. Un espace mi-perso, mi-professionnel, avec une activité que j’aurais qualifiée de très faible avant d’ouvrir ce fichier. Plus de 500 commentaires, des centaines de messages privés… Je peux relire mot à mot sur une seule et même page l’ensemble de ma production pseudo-littéraire avec la date et l’heure de chaque mini-chapitre d’un roman social qui ne présente à vrai dire que très peu d’intérêt. Enfin peu d’intérêt pour moi. Facebook en revanche montre qu’il me connaît parfaitement bien, ainsi que mes amis dont les noms s’affichent en cliquant sur le dossier du même nom. Ceux d’aujourd’hui, mais aussi ceux d’hier que j’ai un jour -bien identifié ici- décidé de retirer de ma liste.

Carnet d’adresses et annonceurs
Le vertige engendré par cette masse d’informations devient profondément troublant lorsque l’on ouvre son « carnet d’adresses ». Une liste de noms avec des numéros de téléphone fixe ou portable s’affiche. Je suis sûr de ne jamais avoir entré de numéros dans Facebook ! Oui, en revanche, j’ai certainement lié mon compte Facebook avec mon répertoire téléphonique pour simplifier les choses… enfin peut-être. Et ce dossier « ads » que cache-t-il ? « Annonceurs qui ont importé une liste de contacts contenant vos informations » est-il écrit en tête d’une liste de plus de 50 marques ou applications : Decathlon, 6play, Netflix, Candy Crush (chacun ses faiblesses)… Toutes ses sociétés ont eu accès à mes informations et ont pu utiliser ma liste d’amis pour diffuser leurs annonces. Rien de complètement étonnant. Ce qui frappe, c’est la masse. Et la mémoire absolue de Facebook.

Google plus fort que Facebook
Un dernier dossier attire mon attention : « historique des localisations ». J’ouvre. Et ma vie défile. J’avais téléchargé l’application Facebook sur mon téléphone et autorisé la géolocalisation entre 2016 et 2017. Jour par jour, je découvre alors des suites de coordonnées géographiques qui, une fois placées dans la moulinette d’un outil de cartographie interactive, exposent sur un écran l’intégralité de mes déplacements.

Terrible ? Oui. Mais dans ce domaine l’autre géant du web, Google, fait bien pire. J’ai également installé le navigateur Chrome sur mon téléphone portable. Un simple clic sur l’onglet « vos trajets » du site Google Maps suffit à afficher sur un écran des milliers de points. Un clic supplémentaire sur l’un de ces points ouvre un « journal » retraçant l’ensemble des trajets que j’ai réalisé ce jour-là. Exemple concret : le 11 octobre 2017, une rencontre de journalistes se déroulait à Clermont-Ferrand. Je suis parti à 6 h 45 de chez moi, à Morlaix. J’ai parcouru 836 kilomètres en avion, 65,6 km en voiture et 3,3 km à pieds. J’ai mangé dans un restaurant de l’aéroport d’Orly avant de finir la soirée à l’Archipel des volcans, un gîte.

Ces informations sont exactes. Il a suffi que je me déplace pour que Google les collecte. Le géant américain a simplement croisé des points avec les informations contenues dans ces gigantesques bases de données pour donner du sens à de simples suites de chiffres. Voilà. Le big data, c’est ça. Bluffant. Et un peu inquiétant !

Je fais partie des quatre milliards de personnes qui n’ont pas Fesse-bouc ; par contre, je n’échappe pas à Google, et pas à l’insu de mon plein gré.

Moi ce qui m’intéresserai c’est d’avoir les données qu’ils ont de moi là où j’ai pas de comptes. Ça m’intéresserai encore plus.