les FAI contraints au filtrage


[large]Jeu en ligne : Les fournisseurs d’accès contraints au filtrage[/large] par Virginie Malbos

« Nous enjoignons aux sociétés Numericable, Orange France, France Telecom, Société Française de Radiotéléphone - SFR, Free, Bouygues Telecom, Darty Telecom et Auchan Telecom, de mettre en œuvre ou faire mettre en œuvre, sans délai, toutes mesures propres à empêcher l’accès, à partir du territoire français et/ou par leurs abonnés situés sur ce territoire, au contenu du service de communication en ligne accessible actuellement à l’adresse [url=http://www.stanjames.com]www.stanjames.com[/url] ».

Vendredi dernier, le Tribunal de Grande Instance de Paris a mis fin au débat opposant l’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) et sept fournisseurs d’accès à internet français. Par une ordonnance, publiée sur le site PC Inpact, le Tribunal donne raison au président de l’ARJEL qui réclamait que le filtrage d’un site de jeu en ligne non homologué soit réalisé par les fournisseurs d’accès, et non par l’hébergeur ou l’éditeur du site. Une première. Ainsi, les FAI devront, dans les deux mois, empêcher l’accès au site cause du litige, sous peine d’une astreinte de 10 000 euros par jour pendant un mois pour chaque fournisseur. Ils sont également « invités » à communiquer dans le même délai les informations relatives aux mesures qu’ils auront prises, aux difficultés rencontrées et aux résultats obtenus.

A l’origine de cette décision : un site édité par la société Stan Gibraltar Limited, enregistrée et domiciliée à Gibraltar. Celui-ci propose d’effectuer des paris sportifs, hippiques et des jeux en ligne tout en ne figurant pas sur « la liste des opérateurs bénéficiant de l’agrément délivré par l’ARJEL ». Or, depuis le 12 mai 2010 et l’article de loi « sur l’ouverture à la concurrence et la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne », cela doit être le cas. Il aura donc suffit d’un pari effectué sur le site par un internaute connecté en France pour déclencher la procédure.
Décision d’ordre public

Une démarche en deux temps prévue par la législation. D’abord, la société éditrice du site est mise en demeure et a la possibilité de régulariser sa situation. Dans le cas présent, une lettre a été envoyée le 25 juin par le président de l’ARJEL, mettant en demeure la société Stan Gibraltar Limited « de cesser sans délai de proposer en France des offres de paris sportifs, de paris hippiques et de jeux de cercle en ligne » sur son site. Ne percevant aucun changement, il décide alors le 7 juillet, de faire assigner « la société Neustar, en sa qualité d’hébergeur du site Internet litigieux et les sociétés Numericable, Orange France, SFR, Free, Bouygues Telecom, Darty Telecom et Auchan Telecom ».

Face au Tribunal de Grande Instance de Paris, l’ARJEL présente ses arguments : un encadrement strict de ces jeux se justifie par des enjeux d’ordre public, de sécurité publique et de protection de santé des mineurs. Leur démarche « a pour finalité de prévenir le jeu excessif ou pathologique et protéger les mineurs, d’assurer l’intégrité, la fiabilité et la transparence des opérations de jeu, de prévenir les activités frauduleuses ou criminelles ainsi que le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et de veiller au développement équilibré et équitable des différents types de jeu afin d’éviter toute déstabilisation économique des filières concernées ».
Les arguments des FAI

Si Neustar, l’hébergeur visé par la procédure, n’a pas comparu, les fournisseurs d’accès ont eux déployé des arguments de taille. Tout d’abord, d’un point de vue législatif, la plupart des FAI - Orange, Free et Auchan mis à part - évoquent la nécessaire parution d’un décret avant que ne tombe une telle sanction. Pour eux, l’article 61 de la loi (alinéa 2) ne peut pas entrer en vigueur tant que le décret fixant « les modalités selon lesquelles seront compensés les surcoûts résultant des obligations mises à la charge des fournisseurs d’accès » n’est pas paru. Ce à quoi le Tribunal de Grande Instance répond que « la demande n’est pas fondée ». Les fournisseurs d’accès ne pourront pas se contenter d’attendre le décret et l’argent qui va avec.

Concernant la partie technique, Numericable précise que l’obligation de résultat est impossible, « des contournements non maitrisables pouvant être mis en place par les sites illégaux ». Le FAI envisage pourtant des solutions : blocage de l’adresse du site dans les serveurs DNS, blocage de l’adresse IP, blocage de l’URL etc. Tout comme ses concurrents : chez Orange / France Telecom, une libre mesure de blocage est demandée. Alors que Free et Bouygues réclament à pouvoir agir sur les adresses IP. Du côté de Darty et Auchan, le discours est tout autre, les deux entreprises se disent fournisseurs de services et non de réseaux, Auchan expliquant ne pas avoir la maitrise des réseaux Bouygues, Numericable et Completel. Là aussi le Tribunal de Grande Instance a tranché : les sept FAI sont concernés. Ils auront toute latitude concernant les moyens d’action, tant qu’ils seront efficaces.

Autre point de désaccord : l’absence de mise en cause du site Stan James, et de son éditeur, fait débat. Pour Orange, Free et Bouygues les conditions du jugement équivalent à une atteinte à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme donnant droit à un procès équitable. D’autant que pour les deux derniers, l’ARJEL n’a pas apporté de preuves suffisantes permettant de prouver le caractère illicite du site. Là encore le Tribunal de Grande Instance trouve ces requêtes infondées. Il ne tiendra pas plus compte de l’intervention de Bouygues et Darty rappelant qu’il n’y a pas que sept fournisseurs d’accès en France mais près de 380.

Dernier hic, et non des moindres, à la quasi unanimité les hébergeurs prennent soin de rappeler que l’ARJEL semble avoir envoyé ses requêtes au mauvais hébergeur durant la procédure. Ainsi, Numericable « constate en tout état de cause que l’ARJEL s’est trompée en assignant la société Neustar en qualité d’hébergeur alors que l’hébergeur est vraisemblablement une société Stan James située à Gibraltar ». A ce titre, tous ont espéré un report de la procédure afin de donner à l’hébergeur le temps d’agir. Ce ne sera pas le cas. Le Tribunal de Grande Instance leur donne deux mois pour régler la situation sans passer par l’hébergeur. Il résume : « la demande d’arrêt de l’accès au service en cause par les sociétés FAI, dont les obligations sont distinctes de celles du prestataire d’hébergement du site litigieux, peut être soumise à la présente juridiction indépendamment de toute mise en cause ou décision visant le dit hébergeur ». Et cela même si l’hébergeur visé jusque là par la procédure pourrait ne pas être le bon.

Ils n’ont qu’a installer OpenOffice, ça contient un bon pare-feu.

Il pourront ouvrir la Haute Autorité Pour Le Filtrage DPI.