Loppsi 2

Attention, article très long.
Je n’ai pas indiqué les références des articles où j’ai puisé, sauf pour le dernier, œuvre d’un sociologue et non d’un journaliste.

[large]Le Conseil constitutionnel censure la loi de sécurité intérieure[/large]

Cette loi un peu fourre-tout avait fait l’objet d’une longue polémique en raison de son aspect répressif et intrusif.
Le Conseil constitutionnel a censuré 13 articles sur les 142 du projet de loi
C’est la première fois dans l’histoire de la Ve République qu’autant d’articles d’une loi sont censurés,

[…] les pouvoirs de la police municipale sont limités. Elle ne peut procéder à des contrôles d’identité, car elle ne dépend pas de l’autorité judiciaire, contrairement à la police nationale. De même que le texte accordait, à tort, la qualité d’agent de police judiciaire à certains agents de police municipaux.

Cette loi un peu fourre-tout avait fait l’objet d’une longue polémique en raison de son aspect répressif et intrusif.
D’abord, les Sages ont manifestement eu à cœur de protéger les droits des mineurs délinquants. À ce titre, ils ont invalidé les dispositions qui étendaient aux mineurs primo-délinquants les peines planchers. De même qu’un procureur de la République ne peut directement convoquer un mineur devant le tribunal sans passer par le juge pour enfants. La contravention prévue contre les parents d’un mineur qui n’aurait pas respecté un couvre-feu n’est pas constitutionnelle.

Les Sages ont également rappelé que les pouvoirs de la police municipale sont limités. Elle ne peut procéder à des contrôles d’identité, car elle ne dépend pas de l’autorité judiciaire, contrairement à la police nationale. De même que le texte accordait, à tort, la qualité d’agent de police judiciaire à certains agents de police municipaux. Mais sans contrôle de l’autorité judiciaire, cette extension n’est pas constitutionnelle.

La vidéosurveillance des rues doit rester dans le service public […]
la vidéosurveillance des voies publiques ne peut être confiée à une société privée, car cela relève d’une compétence de police administrative générale.

Toujours dans le volet pénal, les évacuations forcées de terrains occupés illégalement décrétées par le préfet sont invalidées, car elles ne tiennent pas compte de la situation, personnelle ou familiale, de personnes défavorisées et ne disposant pas d’un logement décent. La loi avait une portée déséquilibrée au regard de l’objectif de sauvegarde de l’ordre public.

La lutte contre les hooligans ne justifie pas l’interdiction générale de la revente sur Internet d’un billet d’entrée à toute forme de manifestation (sportive, culturelle, commerciale…). Cette disposition (article 53 de la loi), trop large, méconnaît le principe de nécessité des délits et des peines.

Le filtrage des sites pédopornographiques autorisé […]
Les logiciels permettant à la police de procéder à des rapprochements sont validés dans la mesure où les données personnelles ainsi traitées se font sous le contrôle de l’autorité judiciaire et uniquement dans le cadre d’une enquête et pour les seuls besoins des investigations. Le Conseil, ici, borne la pratique et censure très faiblement un article sur la durée de conservation de ces données, de manière à ce qu’elles soient effacées trois ans après la clôture de l’enquête sans que ce délai puisse être prolongé à l’initiative de l’enquêteur.

«Assez logiquement, le Conseil n’a pas voulu s’intéresser à l’inefficacité technique du filtrage, puisque son rôle est d’apprécier la pertinence des choix du législateur».
«La crainte, désormais, est de voir la brèche exploitée par le législateur pour étendre le filtrage sans juge à d’autres domaines que la lutte contre la pédopornographie.»

Le Conseil constitutionnel a en outre encadré la possibilité de création de logiciels de « rapprochement judiciaire » permettant le traitement de données à caractère personnel recueillies à l’occasion d’enquêtes judiciaires.

Autre déconvenue pour le gouvernement, le Conseil s’est opposé à l’installation de salles d’audience dans les centres de rétention administrative, ce qui revenait à installer des palais de justice à l’intérieur des prisons.

En revanche, le Conseil constitutionnel a écarté les griefs concernant huit articles. L’autorité administrative peut ainsi prendre des décisions de filtrage des sites diffusant des images pédopornographiques du moment qu’elles peuvent être contestées devant un juge, y compris en référé.

les opposants au texte n’ont toutefois pas dit leur dernier mot. «Le Conseil constitutionnel n’a pas su protéger les libertés fondamentales sur Internet, au premier rang desquelles la liberté d’expression, condamne encore la Quadrature du Net.

Analyse plus poussée des buts réels de cette loi et son décorticage :
http://www.voltairenet.org/article168694.html
Le Parlement français vient d’adopter une nouvelle loi fourre-tout qui transcrit en droit français diverses mesures du Patriot Act états-unien. Pour le sociologue Jean-Claude Paye, l’inefficacité du vaste système de surveillance progressivement mis en place atteste que sa finalité réelle est autre que le but annoncé. Les sociétés occidentales évoluent vers un modèle infantilisant où seul le fait de se placer sous le regard enveloppant du pouvoir génère un sentiment de sécurité.:lol:

Ces deux législations se présentent toutes deux comme un fourre-tout sécuritaire, une collection de mesures disparates, visant à réduire les libertés fondamentales, et contiennent des réformes importantes destinées à assurer un contrôle du Net.
L’USA Patriot Act anticipe les lois françaises. Il installe, dès 2001, tout un ensemble de dispositions qui mettront une décennie pour exister dans l’Hexagone, telle l’installation légale de chevaux de Troie dans les ordinateurs, l’incrimination de cybercriminalité ou l’infiltration policière dans les échanges électroniques. Votée pour quatre ans, elle a été reconduite pour la même durée.

La loi française dite LOPPSI 2, s’inscrit directement dans la permanence. Toutes ses mesures sont votées pour une période indéterminée.

La référence principale de cette loi n’est plus l’image de la guerre contre le terrorisme, mais directement celle d’un état d’urgence, exhibé par l’État, afin de se défendre contre ses propres populations. La loi mélange des mesures générales de surveillance et de suppressions des libertés individuelles de tous les citoyens avec des dispositions qui stigmatisent des catégories particulières de la population, celles placées dans la précarité ou bien les jeunes.

La loi prévoit également un système de filtrage des sites diffusant des images de mineurs à caractère « manifestement pornographique ». Sans intervention d’un juge, elle donne à une autorité administrative, l’Office central de lutte contre la criminalité, la possibilité de priver ces sites de l’accès au Net. Cependant, l’administration peut saisir le juge pour les contenus « non manifestement pédopornographiques ». Présenté comme une limitation des pouvoirs de l’exécutif, cette disposition a en fait une conséquence perverse : elle permet d’étendre le filtrage à un contenu qui « manifestement n’est pas pédophile ». Tel est bien l’enjeu de cet article. Une fois le principe du blocage adopté, il suffit d’étendre progressivement le champ des sites filtrables, comme cela a été fait pour le fichier national des empreintes génétiques.

Cette loi coordonne les fichiers dits « d’antécédents », tel le STIC et le JUDEX, qui contiennent des « données à caractère personnel » concernant les personnes suspectées d’avoir participé à la commission d’un crime, d’un délit ou d’une contravention de 5e classe. Le texte prévoit que les décisions d’acquittement ou de relaxe conduisent à un effacement des données personnelles, « sauf si le procureur de la République en prescrit le maintien pour des raisons liées à la finalité du fichier ».

A première vue, la loi est illisible. Elle apparaît comme un fourre-tout, une collection de mesures disparates, allant de la constitution de fichiers sur l’ensemble des habitants et la légalisation des mouchards électroniques, à la criminalisation des squatters ou à la possibilité d’installer un couvre-feu pour les enfants de 13 ans.
Il y a cependant une forte cohérence entre les différentes dispositions, non pas au niveau des objets sur lesquels portent les différents articles, mais en ce qui concerne l’intention du pouvoir. Les délits créés n’ont d’ailleurs pas d’autres finalités que d’être des supports du regard du gouvernement, des supports de l’image de l’insécurité et de son alter-ego, la sécurité.
La criminalisation des squatters, des gens du voyage, des étrangers en situation irrégulière ou simplement des jeunes, sous entend que toute forme d’existence, qui n’est pas étroitement contrôlée, est dangereuse. :expressionless: Il est ainsi induit que la sécurité réside dans un abandon complet aux initiatives du gouvernement, à ses différents fichiers, à ses perquisitions informatiques, ainsi qu’à l’impunité judiciaire pour ses agents de renseignement.

Ce n’est pas pour rien que la loi opère un déplacement sémantique en remplaçant « vidéosurveillance » par « vidéoprotection ». Cette permutation n’est pas destinée à nous tromper. Il ne s’agit pas d’une opération idéologique au sens habituel du terme. Elle s’inscrit au contraire dans la transparence, celle de l’intentionnalité du gouvernement, celle de Big Mother et de sa gouvernance fusionnelle Ainsi, la sécurité, la protection octroyée, consiste, aussi bien, à être dans l’œil des caméras de surveillance généralisées par la LOPPSI 2, qu’à être repris et conservés dans ses fichiers de police, même si on a été acquitté par la Justice. Le but de ces différents fichiers n’est pas d’établir une surveillance des populations. Une enquête de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés nous avait appris que, en 2008, les fichiers policiers français comprenaient 83 % d’erreurs. L’objectif est tout autre, il s’agit de nous intimer que notre protection consiste à nous abandonner au pouvoir et ainsi à renoncer à tout droit à une vie privée.

La LOPPSI 2, tout comme son antécédent états-unien l’USA Patriot Act, opère un renversement de l’ordre juridique. Il s’agit d’abord d’appliquer aux populations des procédures qui, autrefois, étaient uniquement utilisées vis-à-vis d’agents d’une puissance ennemie. Il s’agit ensuite d’inscrire ces mesures dans le droit, c’est à dire d’obtenir le consentement des populations à l’abandon de leur existence.

La LOPPSI 2 est éclairante pour saisir cette mutation, plus particulièrement la constitution des « fichiers d’antécédents ». L’acquittement par un tribunal n’entraîne pas automatiquement la suppression de l’inscription dans le fichier. La désinscription dépend uniquement de la décision arbitraire du procureur.

Ici aussi, il ne s’agit pas de surveiller les populations, mais d’installer chez elles, le sentiment qu’elles n’ont aucune marge de manœuvre face à l’arbitraire du pouvoir, face à la manière dont on les désigne.

La LOPPSI n’est pas, comme on l’a souvent écrit, la manifestation d’une société de surveillance, mais bien celle d’une « société scopique », d’une société qui nous enferme dans le regard du pouvoir, auquel l’individu doit s’identifier afin d’assurer sa protection.
L’enjeu n’est pas d’identifier les criminels ou même les « personnes à risques ». Il s’agit de faire accepter par les citoyens que le pouvoir a la capacité de les nommer, de disposer de leur existence et qu’ils n’ont aucun recours contre cet état de fait.

Entendu à la radio : « Il n’y a pas de sécurité sans justice ».

Merci de m’avoir lu jusqu’ici ; ou plutôt d’avoir lu le résumé du sociologue Jean-Claude Paye.

bien vu :wink: bon article …

http://www.20minutes.fr/article/685332/web-loppsi2-la-france-detruit-liberte-propres-citoyens
+
http://linuxmanua.blogspot.com/

Merci pour ce joli poème (Linux Manua), qui dit tout si bien, et plus court. :slight_smile:

:wink: