Pour satisfaire une demande CADA, le ministère des Armées invite à consulter le site de l'April

L’April, service com de l’armée :slight_smile: Ils peuvent demander à l’armée une subvention :smiley:

Pour la CADA, une administration n’a pas à mettre en ligne un document administratif dès lors que celui-ci est déjà diffusé sur le site Internet d’un tiers. Une position « proprement scandaleuse » aux yeux de l’association Regards Citoyens. Explications.

Comme le permet la loi pour une République numérique, Next INpact a demandé fin 2017 au ministère des Armées qu’il mette en ligne différents documents relatifs à la dernière version de son accord dit « open bar », régulièrement renouvelé avec Microsoft Irlande depuis près de dix ans.

En l’absence de réponse de la part de la Grande muette, nous nous sommes logiquement tournés vers la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) – qui fait en quelque sorte office de médiateur dans de tels cas de figure.

Il y a quelques jours, surprise : l’autorité indépendante nous a transmis son avis, dans lequel elle juge que notre requête est « irrecevable ».

Des documents mis en ligne par l’April suite à une précédente demande CADA

Et pour cause, explique la CADA, « la ministre des Armées a informé la commission que les documents étaient accessibles en ligne sur le site Internet de l’association APRIL via le lien suivant : Open Bar Microsoft/Défense : l'Armée et son système informatique victimes du syndrome de Stockholm | April ».

Résultat ? Les services de Florence Parly ont fait valoir auprès de la commission que le libre accès à ces fichiers rendait notre demande « sans objet ». Ceci sur le fondement de l’article L311-2 du Code des relations entre le public et l’administration, selon lequel le « droit à communication ne s’exerce plus lorsque les documents font l’objet d’une diffusion publique ».

De manière surprenante, la Commission d’accès aux documents administratifs s’est ralliée sans réserve à la position du ministère des Armées.

Une position « parfaitement hallucinante »

Si la situation peut faire sourire, l’April contestant depuis des années le fameux « open bar » du ministère de la Défense, cette réponse apportée par la CADA est jugée « proprement scandaleuse » par l’association Regards Citoyens, jointe par nos soins. « Faire porter à une association le soin de la « diffusion publique » d’un document administratif est un non-sens juridique, technique et administratif », déplore le collectif à l’origine notamment du site « NosDéputés ».

« Les citoyens n’ont aucune garantie quant à la source, le caractère complet ou la date du document publié par l’April : seul le ministère des Armées a l’obligation juridique de les fournir. » Imaginez notamment qu’un document hébergé par un tiers soit un jour (ne serait-ce que partiellement) modifié…

« Par ailleurs, continue-t-on chez Regards Citoyens, si les tiers sont considérés comme pouvant effectuer la diffusion publique en lieu et place des administrations : est-ce sur ces tiers que pèsent les obligations de mises à jour régulières prévues par la loi ? »

En prenant cette position, la CADA risque enfin de rendre l’accès aux documents administratifs encore plus long et fastidieux. Dans le cas présent, il a fallu attendre l’avis de l’autorité indépendante (dont les délais d’instruction des dossiers avoisinent bien souvent les six mois) pour savoir que les documents sollicités étaient sur le site de l’April. Jamais le ministère ne nous en avait informé auparavant.

« Cette réponse est parfaitement hallucinante », abonde Frédéric Couchet, le délégué général de l’Association de promotion du logiciel libre. « Si le ministère avait lu avec attention la page de notre site à laquelle il renvoie, soulève-t-il au passage, il aurait pu voir que nous indiquions clairement que les documents reçus étaient en partie caviardés de manière largement disproportionnée. Nous attendons d’ailleurs toujours la communication des documents sans cette censure », soupire le libriste.

Taquin, Frédéric Couchet n’hésite pas à lancer : « L’association tient malgré tout son site web à disposition du ministère pour communiquer au public d’autres documents, tels que le rapport Tenneroni, paraît-il introuvable, ou d’autres (cartographie logicielle et attestation d’exclusivité Microsoft), sur lesquels la CADA avait donné un avis favorable. »

« Il serait temps que la CADA se ressaisisse » estime Regards Citoyens

Loin de trouver la situation amusante, l’association Regards Citoyens se montre extrêmement remontée. « Il serait temps que la CADA se ressaisisse : le rôle de l’institution n’est pas de relayer complaisamment les avis des administrations les moins transparentes, mais de faire respecter le droit d’accès et de publication des documents administratifs. »

Il y a quelques semaines, le collectif regrettait déjà dans nos colonnes que la CADA se montre de moins en moins favorable aux citoyens – du fait notamment de « l’absence criante de contradictoire de ses délibérations ». En cause ? Le fait que l’autorité indépendante ait « un dialogue avec les administrations lors de l’instruction des dossiers », mais « sans que le requérant ne puisse répondre aux arguments exprimés (qui sont parfois totalement fantaisistes) ».

L’année dernière, la CADA a par exemple suivi le ministère de l’Intérieur en émettant un avis défavorable à la communication de données brutes relatives aux équipements des policiers et gendarmes, et ce alors que le même ministère avait d’ores et déjà publié ces informations, mais sous forme de PDF difficilement exploitable (pour en savoir plus, voir les explications de cette mésaventure de notre confrère Alexandre Léchenet).