Slate : Il serait temps de dire adieu au traitement de texte de Micros

Ici : http://www.slate.fr/story/53693/adieu-a-word

Une polémique :
[large]Il serait temps de dire adieu au traitement de texte de Microsoft[/large]
par Tom Scocca, traduit par Chloé Leleu

Il y a une vingtaine d’années et plusieurs traitements de texte de ça, j’étais assistant éditorial dans un hebdomadaire auquel certains pigistes envoyaient encore leurs articles tapés à la machine. Et où les papiers arrivaient encore par fax.
À partir de là, si l’impression était assez nette, et si notre gigantesque scanner à plat était d’humeur, les feuilles étaient numérisées. Un programme de reconnaissance de caractères déchiffrait le texte, et l’on pouvait alors traquer absurdités et coquilles dans le fichier électronique ainsi obtenu.
Si le scanner était dans un mauvais jour, on ressaisissait tout l’article sur un ordinateur. Les technologies ont évolué vite, et certains sont restés un peu à la traîne. On ne peut pas vraiment le leur reprocher, mais pour ceux d’entre nous qui baignions déjà dans l’ère informatique, ces feuilles de papier étaient synonymes de fastidieuses heures supplémentaires.

MS-Word, le fax du XXIe siècle

Aujourd’hui, le même effroi me saisit quand j’ouvre un message auquel est joint un document Word. Du temps et du travail vont être perdus à faire le ménage. Le fichier Word est un peu le fax de ce début de XXIe siècle : lourd, inefficace, relique d’idées dépassées sur la technologie.

Il est temps de dire adieu à MS-Word.

J’ai mis des années à arriver à ce constat.
Word m’a fait entrer dans l’âge adulte ; c’est le programme que j’ai utilisé à l’université et qui m’a permis de ne plus avoir à compter les pages grâce à ses merveilleuses polices interchangeables : Times bien justifié si c’était trop long ; Courier aéré à espacement fixe si c’était trop court. Word était alors un destrier serviable et dégourdi.

Mais c’est devenu un patron abusif, spécialiste du superflu.
En cause, la manie de Microsoft à vouloir toujours multiplier les fonctionnalités, en les laissant toutes actives. La première fois que le Trombone s’est incrusté sans crier gare entre moi et ce que j’écrivais, j’aurais bien aimé que le programme comporte un petit bouton : « Dégage et ne me refais jamais ça. »
L’actuelle version de Word en est peut-être dotée, mais allez savoir où il pourrait se nicher parmi tous les menus et les barres des tâches. Tout ce dont je suis capable aujourd’hui, c’est de désactiver la fonction « Correction automatique », de manière à pouvoir écrire ce que je veux, plutôt que ce qu’un informaticien a pensé que le programme penserait que j’essaierais d’écrire !

Word n’est pas adapté au web

Les préférences de style de Word vont de l’irritant —les nombres ordinaux en exposant, la création de puces dès lors que le programme croit déceler une liste— à l’erreur pure et dure.
L’inaptitude de Microsoft à expliquer à un ordinateur comment utiliser correctement l’apostrophe, avec sa gestion catastrophique de la ponctuation type guillemets, a déjà fait des ravages dans la vraie vie, quand des joueurs de baseball se sont retrouvés avec des casquettes où la ponctuation laissait à désirer (l’apostrophe est à l’envers !) [Nous sommes aux États-Unis, où la typographie est différente.]
Certes, une faute de frappe par-ci par-là, ce n’est pas bien grave. Pour preuve, l’invasion de la signature paraphrastique « Envoyé depuis mon iPhone » dans les courriers électroniques. Mais l’énorme problème de ce traitement de texte, c’est ce à quoi il est destiné : à l’instar du fax, MS-Word a été conçu pour des sorties papier.

À l’heure de la révolution publication assistée par ordinateur, il a permis à des utilisateurs lambdas de réaliser des mises en page professionnelles (ou du moins à peu près pro…) avant impression. C’est super si vous faites beaucoup de bulletins paroissiaux ou d’affiches de chiens perdus. Gardez Word, ou gardez l’œil sur votre chien, peut-être.

Trop de code tue le code

Cependant, publier aujourd’hui, c’est surtout publier sur le Web, de moins en moins depuis son ordinateur de bureau, de plus en plus depuis un portable ou un smartphone. Or Microsoft Word est un outil désastreux pour écrire sur la toile.
Créé pour formater, ce programme engloutit le moindre bout de texte sous une montagne de métadonnées, sous des couches et des couches d’instructions invisibles et inutiles pour définir ce à quoi les mots sont censés ressembler sur le papier.
[Voir dans l’article ; j’ai supprimé ces lignes de codes.]

Word est dépassé

Les programmes de publication en ligne étouffent, avec ce genre de truc, car le diable est dans les détails. Sur certaines plates-formes de publication, une fonctionnalité intégrée permet de reprendre un texte Word et de le nettoyer, mais ce n’est pas vraiment au point.
Car outre le code invisible, il y a aussi toutes les fioritures typographiques —les nombres ordinaux en exposant, les guillemets arbitraires, les tirets cadratins automatiques— qui sont autant de casses-tête pour la conversion de format. Il faut donc préférer l’un de ces multiples sites capables d’écrabouiller un texte Word et de le transformer en texte en clair ou en HTML lisible.

Quand un outil qui est la norme exige autant de tours et détours, il est temps de trouver une nouvelle norme. Word entend prouver qu’il sait que le papier ne fait plus marcher le monde —il peut même intégrer de vrais liens hypertextes dans ses documents !
Sauf qu’on ne peut pas simplement déposer ces liens sur le Net pour qu’ils soient accessibles à tous. Il a beau faire, Word est toujours dépassé par ce que veut dire écrire et publier aujourd’hui, c’est-à-dire transposer du texte aisément entre différentes sortes de plates-formes.

Plus d’unité

L’unité de base de ce programme reste le fichier propriétaire unique attaché à un ordinateur. Microsoft a d’ailleurs montré à ses utilisateurs sa notion du travail partagé quand il a changé son format par défaut .doc en .docx sur Office 2007, empêchant les usagers Word des anciennes et de la nouvelle version d’échanger leurs fichiers.

L’après MS-Word

Certains sont déjà passés à l’après-Word. Un journaliste sportif m’a ainsi confié qu’il écrivait tout sur TextEdit [du monde Apple], qui n’exige pas beaucoup de mémoire et s’ouvre et se ferme en un clin d’œil.
Ma dernière version de Word refuse de créer un nouveau document sans m’avoir au préalable demandé de choisir parmi une demi-douzaine de modèles, dont la plupart ne m’inspirent absolument rien.

Pour l’écriture de mon livre, qui a exigé beaucoup de temps passé seul devant un énorme document —et beaucoup de décomptes de mots, ce que Microsoft sait faire—j’ai utilisé Word. Mais au quotidien, je peux passer des jours, voire des semaines, sans ouvrir le programme.
Cet article, par exemple, a d’abord pris la forme d’un message sur Gmail, sauvegardé automatiquement et facile d’accès depuis la maison, le bureau ou le téléphone.
Je suis ensuite passé sur TextEdit, qui offre une fenêtre de travail plus grande et gère mieux les sauts de ligne que Gmail. Pour les corrections au long cours, je crée un document sur Google Docs afin de pouvoir travailler à plusieurs en même temps. Pour suivre les modifications, il suffit de consulter l’historique des corrections. Et pour les petits messages sur mon blog, j’écris directement sur le site.

Je ne connais qu’une personne qui adore Word : mon fils de 4 ans. Il aime bien mettre le nom des lignes de métro dans la bonne couleur, ou écrire « automne » avec chaque lettre dans une teinte de feuille différente, ou sauter de la police Times New Roman à Comic Sans [quelle horreur !].
Il adore aussi écrire sur ma vieille machine Smith-Corona.
Les outils qui ont perdu de leur utilité font de remarquables joujoux.

[i]Lisez aussi les commentaires de lecteurs.

Faut-il penser la même chose de Libre Office ??[/i]