Apple sera-t-il le prochain Microsoft?


[large]Apple sera-t-il le prochain Microsoft?[/large]
05 Mai 2010 Par Vincent Truffy

Selon le Financial Times le ministère de la justice américain et la commission fédérale du commerce (FTC) enquêteraient sur les pratiques anticoncurrentielles d'Apple. La demande émanerait, d'après Bloomberg, de la société Adobe, qui développe les technologies de fac-similé Acrobat (lecture de PDF) et d'animation Flash (utilisée pour à peu près tout ce qui bouge sur les pages Web), mais aussi une suite professionnelle permettant notamment de créer des applications pour iPhone, CS5. Ce n'est pas la première fois qu'Apple est visée par la FTC (1997 et 1999), mais il s'agissait alors d'affaires mineures. Et surtout, l'imaginaire collectif associait les plaintes antitrust de la commission aux affaires concernant Microsoft (2001 et 2002).

Longtemps, Microsoft a incarné le mal en informatique. L’atroce Bill Gates était accusé de forcer la vente du système d’exploitation Windows avec tous les PC et d’organiser la dépendance en y ajoutant la suite bureautique Office (Word, Excel, PowerPoint) et le navigateur Internet Explorer (voir une série d’arguments dans le billet Why Microsoft is evil).

Pourtant, dès la naissance du Mac en 1984, le monde d’Apple a été plus fermé encore que celui des PC: difficile d’ouvrir le capot et de modifier des lignes de code. Mais la firme des deux Steve (Jobs et Wozniak) était trop petite, trop marginale à l’époque pour représenter une vraie menace. Elle a surtout toujours su mieux vendre son image bohème, face aux nerds à binocles de Microsoft ou aux costumes croisés d’IBM. En 1984, dans une publicité, elle se présentait même délibéremment comme l’«anti-Big Brother».

[video]http://www.youtube.com/watch?v=OYecfV3ubP8[/video]

Objectif: la publicité dans les applications

Paradoxalement, c’est en défendant un format ouvert (le futur html5: lire ici un panorama complet et là une présentation plus graphique) contre un format propriétaire (Flash d’Adobe) qu’Apple risque de devenir le prochain Microsoft. Depuis les premiers iPod Touch, impossible de faire fonctionner les animations Flash sur un appareil mobile d’Apple. Ce qui ne serait pas si gênant que ça si les trois quarts des vidéos diffusées sur Internet n’étaient lues au moyen d’un lecteur Flash: sans le savoir, lorsque l’on lit une vidéo sur YouTube ou DailyMotion, on utilise cette norme.

Dans une lettre ouverte fort peu amène pour Adobe, Steve Jobs explique pourquoi il ne cédera pas et n’acceptera pas Flash sur ses appareils. «Les produits Flash sont 100% propriétaires. Ils ne peuvent provenir que d’Adobe et Adobe détient seul le pouvoir de les améliorer, d’en fixer le prix, etc.» – voici pour l’argument éthique. «Flash a été créé à l’ère des ordinateurs, pour les ordinateurs et les souris. (…) Mais à l’ère du portable, il faut des appareils consommant peu de batterie, des interfaces tactiles et des standards ouverts, et Flash est déficient dans tous ces domaines» – voilà pour l’argument technique. En réalité, de nombreuses solutions et formats ouverts sont désormais mûrs pour permettre à Apple de se passer de Flash: html5 et CSS3 pour la mise en forme, H.264 pour la vidéo…

En présentant son futur système d’exploitation pour smartphones OS4, en avril, Steve Jobs a tenté de pousser son avantage en imposant également ses normes de développement d’applications pour iPhone et iPad. Un nombre réduit de langages informatiques acceptés (Objective-C, C, C++, Javascript), exclusion du Flash et surtout interdiction formelle d’utiliser des techniques permettant de développer rapidement et en parallèle des applications pour les produits Apple et Androïd, Windows Mobile et Palm WebOS. «The use of third-party software in Your Application to collect and send Device Data to a third party for processing or analysis is expressly prohibited», indique la section 3.3.9 du règlement fourni par Apple.

Car la grande supériorité d’Apple sur ses concurrents réside dans la profusion d’applications disponibles sur l’AppStore (150.000 annoncées fonctionnant sur l’iPhone et l’iPad), largement supérieure à ce que propose l’AndroidMarket (42.000 en avril, mais avec plus de 9.000 nouvelles applications en mars), bien qu’Apple se réserve le droit d’accepter ou de refuser chacune des applications. Et elle en refuse beaucoup parce qu’elles ne correspondent pas à ses critères moraux (applications pornographiques) ou commerciaux (notamment pour les application de téléphonie sur IP, qui rendent beaucoup moins attractive la téléphonie 3G partout où un accès à Internet en WiFi est disponible).

De plus, laisser développer des applications basiques pour quelques centaines dollars (ce que permettait Adobe CS5 mais aussi des solutions open source comme Mono ou JQTools) contre les dizaines de milliers de dollars demandés par les agences spécialisées, c’est permettre progressivement à la publicité de passer du format traditionnel sur le Web du bandeau ou de la publicité interstitielle (une image qui cache le site pendant un temps déterminé) à celui des applications ponctuelles, buzzables et jetables pour un coût dérisoire.

Or Apple a clairement l’ambition de rafler la majeure partie du marché de la publicité dans les applications mobile grâce à sa future régie publicitaire intégrée, iAd. Apple veut imposer une nouvelle norme de publicité, «rich media» qui exploitera toutes les fonctions de l’iPhone/iPad: la géolocalisation (la publicité proposera par exemple la liste des vendeurs à proximité), la vidéo, et même le téléchargement d’applications bonus sans sortir de l’application courante. Avec un rythme de diffusion, selon Steve Jobs, d’une publicité toutes les 3 minutes de consultation!

Apple s’autorise à valider (ou rejeter, donc) toutes les publicités et percevra une commission de 40% sur les tarifs publicitaires, justifiant ses 40% par la détention de toutes les données des utilisateurs sur iTunes. Elle vient, d’ailleurs, d’acheter la société Quattro International, spécialisée dans le profilage publicitaire. La société sait notamment quelles applications sont installées sur les appareils, avec quelle fréquence elles sont utiliséee, elle dispose de l’identité complète et, mieux, du numéro de carte bancaire avec autorisation de prélèvement d’un seul clic.

(...) bien qu'Apple se réserve le droit d'accepter ou de refuser chacune des applications. Et elle en refuse beaucoup parce qu'elles ne correspondent pas à ses critères moraux (applications pornographiques) ou commerciaux (notamment pour les application de téléphonie sur IP, qui rendent beaucoup moins attractive la téléphonie 3G partout où un accès à Internet en WiFi est disponible).
Apple refuse aussi les applications qui permettent d'interpréter ou d'exécuter du code. Un exemple, le rejet de scratch, une application pour apprendre la programmation aux enfants (cf, en anglais : [url]http://blog.scratch.mit.edu/2010/04/scratch-on-iphone.html[/url] ) Sur le sujet (en anglais) [url]http://yaxu.org/the-joy-of-interpretation/[/url]