L’ouverture du « code source » de chaque projet de loi de finances à nouveau rejetée

D’après le gouvernement, celui qui est à l’écoute, même les représentants de ce peuple d’inculte ne seraient pas capables de lire et comprendre le code source des logiciels appliquant la loi de finances…
C’est ainsi que parlent les experts qui ont l’oreille du mal aimé dans son palais… :sleepy:

Le gouvernement et la majorité se sont à nouveau opposés à ce que le « code source » traduisant les mesures proposées par chaque projet de loi de finances soit publié par l’administration fiscale. Selon l’exécutif, cette réforme réclamée par le Sénat n’apporterait « aucun élément utile, ni même lisible », aux assemblées.

La loi de finances pour 2019, publiée dimanche 30 décembre au Journal officiel, ne contient aucune mesure en faveur de la transparence budgétaire. Le 10 décembre, le Sénat avait pourtant voté un amendement obligeant le gouvernement à dévoiler, lors de la présentation de chaque projet de budget, une batterie de documents et de données censées « nourrir le débat public ».

Le sénateur Vincent Éblé, président (PS) de la commission des finances, espérait en effet que Bercy vienne « clarifier ce que le gouvernement propose au législateur de voter », « le langage informatique permet[tant] de lever des ambigüités parfois permises par les rédactions « littéraires » ».

Des codes sources « pas encore développés » lors de la présentation du budget

Dans le détail, il était prévu d’imposer la publication d’une « annexe explicative » de chaque projet de loi de finances, contenant « le code source traduisant, en langage informatique, chacune des dispositions [du budget] relatives à l’assiette ou au taux des impositions de toutes natures ».

Pour chaque réforme fiscale, l’administration aurait également dû mettre en ligne :

  • Les « données synthétiques » et « hypothèses retenues pour évaluer les conséquences économiques, financières, sociales et environnementales » de la réforme en question, ainsi que les « coûts et bénéfices financiers attendus » pour « chaque catégorie d’administrations publiques et de personnes physiques et morales intéressées, en indiquant la méthode de calcul retenue ».
  • Le « code source » correspondant à « l’ensemble des dispositions législatives et réglementaires en vigueur pour cette imposition », assorti des instructions et circulaires liées.
  • Le « code source correspondant aux dispositions législatives proposées et, à titre facultatif, aux dispositions réglementaires, instructions et circulaires envisagées ».

Afin que ces nombreuses informations soient facilement réexploitables (y compris par des chercheurs, citoyens, associations…), les sénateurs avaient souhaité que celles-ci soient diffusées « dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé », conformément aux principes de l’Open Data.

Opposé à cet amendement, le gouvernement a réussi à obtenir sa suppression à l’Assemblée nationale, en nouvelle lecture, le 19 décembre. Comme l’année dernière, où des dispositions semblables avaient été votées par le Sénat, l’exécutif n’a pas eu à batailler pour faire passer la pilule auprès des députés…

assemblée députés

Crédits : Assemblée nationale

Gérald Darmanin, le ministre de l’Action et des comptes publics, a simplement indiqué que l’amendement de suppression du gouvernement était « défendu ». Celui-ci a été adopté sans discussion, à plus de quatre heures du matin, en quelques secondes.

En commission, le rapporteur général, Joël Giraud (LREM), avait pourtant souhaité le maintien de cette réforme, en dépit des arguments avancés par l’exécutif.

Le gouvernement affirmait en effet qu’il était matériellement impossible de répondre aux demandes du Sénat : « À la période de l’année à laquelle les projets textes sont présentés à l’Assemblée nationale [généralement fin septembre/début octobre, ndlr] , les codes sources des dispositions proposées ne sont pas encore développés. Les développements informatiques nécessaires à la mise en œuvre des dispositions fiscales proposées dans la loi de finances et dont le résultat constitue le code source évoqué par l’amendement ne sont réalisés qu’après leur adoption par les deux assemblées. »

Le logiciel de calcul de l’impôt sur le revenu est par exemple mis à jour chaque année, à partir de la loi de finances fraîchement votée. Établir une version correspondant au projet de budget reviendrait de ce fait à imposer la création d’une sorte de version « bêta », qui devrait ensuite être corrigée pour prendre en compte les amendements adoptés suite aux débats parlementaires.

L’année dernière, le gouvernement avait même expliqué que le « basculement » de chaque loi de finances en langage informatique pouvait prendre « six à neuf mois ». « À titre d’exemple, l’application de gestion des relations avec les usagers de la fiscalité professionnelle compte environ quatre millions de lignes de code, et une modification législative peut nécessiter sa modification dans quelques milliers de programmes unitaires. Ce temps technique consécutif à l’adoption de la loi est nécessaire pour adapter les codes informatiques » s’était justifiée la secrétaire d’État Delphine Gény-Stephann.

« Aucun élément utile » pour les parlementaires

Cette année, l’exécutif a ajouté que les codes sources constituaient « certes un document administratif » communicable sur le fondement de la « loi CADA », « mais ils sont écrits en langage de programmation et n’apporteraient aucun élément utile, ni même lisible aux assemblées ».

Le sénateur Vincent Éblé comptait pourtant sur ces données pour que les parlementaires puissent « faire travailler leurs équipes sur un certain nombre de simulations », par exemple afin de mesurer l’incidence de telle ou telle réforme fiscale. Le 10 décembre dernier, il avait d’ailleurs envoyé un message aux députés :

« L’Assemblée nous a enfermé dans une législation à tâtons, pour ne pas dire à l’aveugle, alors que nous, nous voulons légiférer (…) sans avoir forcément à solliciter de façon itérative l’administration fiscale pour leur demander des simulations qui nous permettent d’apprécier des dispositifs fiscaux qu’on nous propose de voter ou que nous-même nous voulons infléchir. Je pense que c’est une modernisation de la façon de travailler qui serait bonne pour le Parlement, et donc bonne pour le pays. »

Contrairement à l’année dernière, aucun amendement de compromis n’a été déposé par des députés centristes et La France Insoumise. Le gouvernement n’a pas non plus proposé de lui-même de mettre en ligne ses différentes données et codes sources, « lorsqu’ils existent ».

Le « grand débat national » promis par l’exécutif suite à la crise des « gilets jaunes » pourrait toutefois permettre de rouvrir ce dossier. Le Premier ministre avait effectivement reconnu début décembre qu’il fallait « plus de transparence sur les impôts en France ».

« […] mais ils sont écrits en langage de programmation et n’apporteraient aucun élément utile, ni même lisible aux assemblées ».
Les députés dans leur ensemble seraient-ils incultes en informatique ?
Ou bien ces “révélations” seraient intolérablement démocratiques ?

Comme on disait au Moyen Âge : « flatus vocis », frappement de voix (sur l’air) ; de nos jours ça se dit « paroles verbales » ! (Élève Pléonasme, sortez de la classe !)

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